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Le château de la Roche-Guyon
 
Le paysage autour de La Roche-Guyon, avec ses grandes cavernes et ses falaises qui s'élèvent de la vallée de la Seine comme des tuyaux d'orgue, tient du labyrinthe et de l'énigme. En ce sens, il s'offre en substrat aux évènements historiques, qui y ont eu lieu périodiquement depuis l'époque des Normands, et même avant. Peut-être les attire-t-il, pour en teindre invisiblement le fil.
 
Ernst Jünger, Second journal parisien (1943-1945),
Paris, Julliard.
 

 
Un site remarquable entre Ile-de-France et Normandie
 
 Adossé aux falaises de craie de la vallée de la Seine, cet ensemble architectural unique en France permet de découvrir, à travers la vie de ses hôtes illustres, dix siècles d'histoire de France.
Les circuits de visite évoquent les principales étapes de la construction du château.
Une scénographie, conçue dans le respect des lieux, met en valeur les grands moments de l'histoire du château.
 
Les sources historiques

Au siècle dernier, trois hommes ont commencé à écrire l'histoire du site : Hippolyte Alexandre, régisseur de la propriété, a recueilli de nombreux renseignements ; après lui, Emile Rousse, maire du village, a consulté les documents conservés au château. Les archives, accessibles depuis quelques années, apportent des renseignements nouveaux. Le programme des restaurations lancé en 1990 par le Conservatoire régionale des Monuments historiques a entraîné des fouilles archéologiques et aussi une relecture des archives.
 
 
Au sommet d'un promontoire abrupt, dominant la rive du grand fleuve de Seine, se dresse un château affreux et sans noblesse appelé La Roche. Invisible à sa surface, il se trouve creusé dans une haute roche. L'habile main du constructeur a ménagé sur le penchant de la montagne, en taillant dans la roche, une ample demeure pourvue d'ouvertures rares et misérables . (Abbé Suger, Vie de Louis VI).
 
Le choix du site s'explique stratégiquement : il contrôle étroitement la navigation fluviale. Le château qui fait corps avec le plateau du Vexin, s'insère dans l'ensemble des habitations troglodytiques creusées depuis le Haut Moyen Age dans les grands pinacles de craie qui dominent la Seine entre Vétheuil et Clachaloze : une des ces « boves » a livré des monnaies du IXème siècle, qui prouvent son existence au temps des invasions normandes.
Un acte du IXème siècle donne à penser que le château rupestre remonte aux incursions des Vikings et aux tentatives des souverains carolingiens pour organiser la défense sur les rivières qu'empruntèrent les pillards du Nord.
En 863, Charles le Chauve (840/893) ordonne à Pîtres près de Rouen, la réparation ou la construction de forteresses sur les cours d'eau.
Entre 911, année d'acquisition par le chef viking Rollon de ce qui allait devenir le duché de Normandie et 1205, date à laquelle Philippe Auguste (1180/1223) le reconquiert, la zone frontière de l'Epte est un enjeu essentiel : les ducs de Normandie sont en effet devenus rois d'Angleterre et ont établi leur suzeraineté sur toute la France de l'Ouest. Les affrontements sont fréquents autour de la vallée qui sépare le domaine anglo-normand du domaine royal capétien.
 

Les seigneurs de La Roche
 
C'est à la fin du XIème siècle au moment de la guerre du Vexin entre les deux souverains, que les seigneurs de La Roche apparaissent dans les chroniques. Ils descendent certainement d'un cadet des comtes de Meulan, dont ils sont alors les vassaux. Ce sont des chevaliers bannerets (portant bannière) qui vont au combat avec leurs propres hommes d'armes, et l'aîné de la famille reçoit traditionnellement le nom de Guy : d'où le nom de « Roche Guyon »  signifiant la Roche de Guy.
 
L'assassinat de Guy de La Roche (vers 1109)
Les Grandes Chroniques de France (XIVème siècle) racontent le meurtre de Guy de La Roche survenu vers 1109, « surpris et traîtreusement égorgé » par son « monstre de beau-père ».
 
 
« Guillaume, ce beau-père, Normand d'origine, un félon sans pareil, passait pour son familier et son ami intime… Un dimanche à l'aube, il trouva une occasion avantageuse pour perpétrer sa félonie.
« Mêlé aux premiers fidèles les plus dévots se rendant à l'église, il s'y rendit lui-même… accompagné d'une poignée de traîtres.
« Après avoir examiné quels moyens s'offraient à lui d'accéder auprès de Guy, il se précipita par l'ouverture par où ce dernier entrait sans hâte dans l'église. Alors il tira son épée et, flanqué de ses abominables compagnons, il s'abandonna à toute la frénésie de sa propre iniquité. L'autre étant sans défiance…, Guillaume le frappe, l'immole, le fait périr,… moleste son épouse et assassine ses enfants,... avec une méchanceté digne d'Hérode, en leur fracassant le crâne contre le rocher ». (Abbé Suger, Vie de Louis VI ).
Le roi de France ne peut laisser impunis ces meurtres qui livrent la forteresse à un Normand. Il mobilise ses chevaliers dans tout le Vexin. Pour reprendre le château, les assiégeants promettent la vie sauve à l'assassin, mais dès sa reddition ils l'exécutent ainsi que ses compagnons. Les corps liés sur des claies sont lancés sur la Seine pour que le courant les porte en Normandie, en témoignage de la justice du roi.
L'abbé Suger raconte comment les hommes de Louis Le Gros vengèrent la mort de Guyon :« Ils tirèrent leurs épées, attaquent les traîtres, égorgent pieusement les impies, mutilent leurs membres, les éventrent avec délices...»
 
 
Le château aux temps féodaux
 
Au temps des guerres féodales, la puissance des seigneurs s'affiche dans de grosses tours de pierre. Richard Cœur de Lion (1157/1199), roi d'Angleterre et Duc de Normandie, élève vers 1197 une gigantesque forteresse à Château-Gaillard, au dessus des Andelys. En réponse à cette menace, les seigneurs de La Roche érigent un donjon de 30 mètres de haut.
Isolé sur la colline, le château est cylindrique vers la vallée, comme toutes les tours françaises édifiées sous le règne de Philippe-Auguste. Cette tour dépourvue de cheminée, n'est qu'un ouvrage de guet habité par une garnison. Un souterrain très raide descend en escalier vers le « château du  bas », qui reste la résidence seigneuriale.
Dans la première moitié du XIIème siècle, le système défensif devient plus sophistiqué : sur l'enceinte de plan carré doublée d'un fossé, selon le modèle des châteaux de Philippe-Auguste, deux portes fortifiées commandent le passage du chemin. La porte ouest est dotée d'un sas à double herse, celle de l'est est flanquée de deux tours.
 
 
 
Pendant la guerre de Cent Ans...
 
La reprise des hostilités entre la France et l'Angleterre redonne toute son importance au château-fort, bien que la première phase de la Guerre de Cent Ans ne l'atteigne pas.
Sous le règne de Charles V (1364/1380), les seigneurs de La Roche décident la construction d'un corps de logis mieux adapté au mode de vie aristocratique. L'architecte puise son inspiration dans les chantiers ouverts par le roi au Louvre, à Vincennes et à Creil. Le vieil « antre de sorcier » disparaît alors sous la pioche des bâtisseurs.
Le manoir s'élève alors sur quatre nivaux. Tous sont dotés d'une grande pièce et d'une autre plus petite, éclairées par des grandes fenêtres et chauffées par des cheminées. Le seigneur tient audience au dessus du rez-de-chaussée.
Pendant la guerre de Cent Ans, les défenses de la forteresse sont complètement revues. Celles du château du haut sont renforcées par une seconde enceinte. Le système de l'éperon est abandonné au profit d'une tourelle pleine dont la terrasse peut supporter des fauconneaux et des couleuvrines (bouches à feu). Des meurtrières sont aménagées à côté des poternes, elles présentent des élargissements circulaires pour les armes à feu.
Guy VI de La Roche meurt à Azincourt en 1415 comme nombre de ses compatriotes. Henri V (1413/1422) reprend alors une à une les places fortes de Normandie : après la prise de Rouen et la capitulation de Vernon et de Mantes en 1419, il envoie Warwick assiéger La Roche-Guyon, tenue par la veuve de Guy VI, Perrette de La Rivière.
Pour récompenser Guy Le Bouteiller qui accompagnait Warwick pendant le siège , Henri V lui donne le château et lui permet d'épouser la châtelaine.
Celle-ci s'y refuse obstinément et rejoint la " cour du roi de Bourges " avec ses enfants. Son fils aîné Guy VII de La Roche ne reprend possession du château qu'en 1449, au moment de la contre-offensive victorieuse française. Guy VII meurt en 1460 laissant pour unique héritière une fille, Marie qui épouse Michel d'Estouteville et en seconde noce, Bertin de Silly.
En 1493, Bertin obtient du roi l'autorisation d'établir à La Roche deux foires annuelles et deux marchés hebdomadaires. Les Silly sont bien en cour. François Ier (1515/1547) et Henri II (1547/1559) séjournent au château lors des parties de chasse.
Plus tard la dame des lieux veuve de Henri de Silly, Antoinette de Pons (morte en1632) rachète des terres enclavées dans son domaine et des droits divers à des parents des Silly ou des Estouteville. Après la mort de son fils François de Silly au siège de La Rochelle (1628), le domaine change à nouveau de main et passe à son second fils, Roger du Plessis-Liancourt, né d'un second mariage.
 
 
La famille du Plessis-Liancourt
 
En rachetant leurs droits à la veuve et aux cousins de François de Silly, Roger de Plessis-Liancourt parachève l'œuvre de sa mère et parvient à reconstituer la seigneurie telle que Marie de La Roche en avait hérité.
Compagnon d'enfance de Louis XIII (1610/1643) et premier gentilhomme de la Chambre du Roi, il devient duc et pair de France en 1643.
Amateur d'art et protecteur des lettres, ce libertin évolue vers le jansénisme sous l'influence de sa femme Jeanne de Schomberg.  Le couple opère de grandes transformations au château : modification des ouvertures, création de la grande terrasse occidentale, retaille de la falaise.
Leur petite-fille Jeanne-Charlotte, seule héritière du domaine, transmet la seigneurie de La Roche-Guyon à la famille de La Rochefoucauld en s'alliant à François VII, fils de l'auteur des Maximes.
 
 
La famille de La Rochefoucauld
 
Compromis en 1744 dans une cabale contre Madame de Châteauroux, la favorite en titre, Alexandre duc de La Rochefoucauld et de La Roche-Guyon est exilé sur ses terres par Louis XV (1715/1774). Sa fille aînée la duchesse d'Enville le suit dans son exil. Ils s'entourent d'une société choisie d'aristocrates éclairés, de philosophes, de gens d'esprit : on voit à la Roche-Guyon des ministres (Choiseul, Maurepas, Turgot) et des gens de lettres (Julie de l'Espinasse, d'Alembert et plus tard Condorcet).
La duchesse est amie du progrès : elle expérimente la culture de la pomme de terre, contribue à la diffusion du vaccin contre la variole, ouvre une filature, une briqueterie… Incarcérée pendant la Terreur, elle doit sa libération en 1794 aux pétitions de la municipalité de La Roche-Guyon. Entre temps, la Révolution a marqué " le château du haut " : le donjon a été réduit d'un bon tiers avant que les démolisseurs requis par le Conseil général de Seine-et-Oise ne s'arrêtent devant l'ampleur de la tâche.
Madame d'Enville s'éteint à Paris en 1797. Le château et les terres passent à son petit-fils le prince de Léon, duc de Rohan. A sa mort, le domaine est partagé entre ses six enfants. Le château, le parc et un sixième des terres reviennent à son fils aîné, le futur cardinal de Rohan. Nommé archevêque de Besançon en 1829, il revend sa part d'héritage à son cousin François de La Rochefoucauld, fils du célèbre La Rochefoucauld-Liancourt, fondateur de la première caisse d'épargne de France. Les descendants de cette famille habitent toujours le château.

Voir aussi pour cette avant-dernière période, "un château très romantique".

La visite du château en photos

Une bibliographie de l'histoire des lieux
 

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