Au
XIXe siècle, les usages populaires
comptent
plus que les croyances
L'exemple
des charités en Mantois
Le paysan du
XIXe siècle a perdu la foi naïve et sincère de ses ancêtres.
L'irréel lui échappe, mais il a conservé une peur
terrible de l'au-delà dont l'inconnu lui apparaît infiniment
redoutable. Cette crainte suffit à expliquer l'apparence de croyance
qu'il manifeste aux actes décisifs de sa vie familiale. Il s'attache
plus aux cérémonies extérieures de la religion qu'à
la religion elle-même. De tous temps celui-ci n'a jamais été
un mystique.
Photo F. Antoine -
église de La Roche-Guyon
Les
frères de charité
Au XIXe siècle, les Pompes
funèbres n'existent pas en tant que service public. De plus la majorité
des populations du Vexin et du Mantois appartenant à la religion
catholique, l'Eglise, qui asssiste les mourants à leurs derniers
moments, veille à ce que les défunts une sépulture
décente. Le curé de la paroisse présidera au cimetière
à la cérémonie de l'inhumation ; mais, après
en avoir réglé les détails et ceux du convoi funèbre,
il en confiera l'exécution aux membres d'une association qu'on désigne
sous le nom de Confrérie de la Charité des Morts.
Avant la Révolution, les confréries assuraient l'enterrement
de leurs seuls membres ; mais par la suite, elles étendirent ce
service à tous les catholiques qui réclamaient leur intervention.
En fait, les charités détenaient ainsi une sorte de monopole
dont elles n'abusèrent jamais. Aucune taxe n'était exigée
et la confrérie de Longnes, en particulier, se contentait de ce
que la famille voulait bien verser à l'échevin après
l'inhumation.
On ne trouve ces confréries - on
a dit longtemps des frairies - que dans les paroisses importantes d'où
elles rayonnent sur les communes voisines. Elles sont placées sous
le vocable d'un saint et leur origine est très ancienne.
Photo F. Antoine - église de Vétheuil
Voir confréries de Vétheuil et de la Roche-Guyon.
Les
charités régionales
La fonction essentielle des frères
de charité était d'enterrer les morts et par voie de conséquence
de participer aux offices, aux fêtes, et aux processions.
Le fonctionnement des charités
Ce sont des laïques et ils se recrutent
parmi les laboureurs, les vignerons et les artisans des bourgs.
Chaque confrérie de charité
a son organisaton particulière, et ses statuts primitivement approuvés
par une bulle pontificale.
La confrérie est administrée
par un prévôt et par un échevin,
élus ordinairement pour un an ; le nombre de ses membres est variable
; l'un d'eux s'appelle le cliqueteur ou tintinellier et précède
les cortèges en agitant ses sonnettes.
Quand ils se réunissent en corps,
au siège, les frères de charité revêtent un
costume qui ne s'est guère modifié depuis leur fondation
: bonnet carré, soutanelle ou robe noire fendue sur les côtés,
large col blanc de lingerie couvrant les épaules ; écharpe
de couleur en sautoir brodée or ou argent avec l'image du patron
de la confrérie. Le prévôt, l'échevin et le
cliqueteur se distinguent par des attributs spéciaux. Dans les processions,
les frères se groupent autour de la bannière de la confrérie.
En principe l'association devait vivre
de la cotisation de ses adhérents, des dons, des legs, des subventions
publiques ou privées et des quêtes aux offices.
La veille des fêtes, à Vétheuil,
le cliqueteur circulait dans le bourg et s'arrêtait aux carrefours
pour chanter O filii et filiae à Pâques et Libera
nos domine à la Toussaint. Le jour des Morts et aux Rameaux,
les frères de charité se rendaient au cimetière et
fleurissaient la tombe de ceux qui étaient disparus. dans certaines
paroisses, ils portaient le dais le jour de la Fête-Dieu ; dans d'autres
ils le suivaient immédiatement.
Au moins une fois par an, les frères
de charité se réunissaient en un banquet à l'issue
duquel le prévôt et l'échevin sortants rendaient leurs
comptes en présence du curé, des marguilliers et des paroissiens
notables convoqués à cette assemblée. On procédait
alors à l'inventaire des objets mobiliers appartenant à la
confrérie : vêtements, linge, nappes et napperons, bourses
et plateaux, croix et chandeliers, sonnettes, bâtons et bannières
dont l'église paroissiale était dépositaire. Sur le
registre de la confrérie, un procès-verbal était dressé
et signé par les dignitaires en charge et par le curé.
L'église de Mézières-sur-Seine
(canton de Guerville) renferme un tableau intéressant, de la fin
du XVIIIème siècle, plusieurs fois restauré, qui représent
eune inhumation faite avec le secours des frères de charité.
Il est d'ailleurs facile sur le tableau de différencier les fonctions
des membres de la confrérie. On trouve encore des représentations
de frères en costumes sur un tableau présent dans l'église
de Vétheuil (cant. de Magny-en-Vexin - 95) - une fresque du XVIème
siècle restaurée en 1773 et 1829 - ainsi que dans l'église
de Vaux-sur-Seine (cant. de Meulan - 78) sur un tableau datant du XIXème
siècle.
Les charités de la région
Celle de la Roche-Guyon, dont Saint-Roch
était le patron, datait des environs de 1348 à une époque
où la peste noire sévissait dans le Vexin et en Normandie
; mais elle ne reçut sa consécration officielle que
le 1er juillet 1582 par une bulle du pape Grégoire XIII qui "accorde
des indulgences plus ou moins étendues à ceux qui aux jours
de fête de Saint-Roch rempliront leur devoir de chrétien en
l'église Saint-Samson de La Roche et à ceux qui conduiront
et accompagneront par un principe de charité jusqu'au lieu de la
sépulture ecclésiastique, les corps de leurs confrères
décédés ou les visiteront , soulageront et consoleront
dans leurs maladies."
Les frères de la Charité
de La Roche portaient une robe courte de serge noire avec un grand col
bleu ; sur la tête, un chapeau à bords relevés suivant
la mode du XVIe siècle ; le cliqueteux se distinguait par
des ossements en lingerie cousus en croix sur la dalmatique.
La Charité de la Roche desservait
Roconval et Amenucourt, Haute-Isle, Chérence, Clachaloze, Gasny,
Frocourt, Saint-Leu, Bézu et le Mauvérand.
En 1661, Jeanne de Schomberg, duchesse
de Liancourt et de la Roche-Guyon, établit en cette paroisse
une confrérie féminine, composée de femmes et de filles,
et destinée à soulager et assister les pauvres malades du
lieu, corporellement et spirituellement. "La confrérie est administrée
par trois dames élues le lundi de la Pentecôte en présence
de M. le Curé à la pluralité des voix et pour deux
ans. La première sera directrice, la seconde trésorière,
la troisième garde-meubles ; elles désigneront un homme pieux
et charitable qui sera procureur."
Cette association disparut en 1789, mais
le souvenir s'en conserva longtemps au XIXème siècle.
Limetz, Boissy-Mauvoisin, Mézières,
Saint-Martin-la-Garenne et Moisson avaient également leurs frères
de charité. Ceux de saint Georges comme patron, ceux de Mézières,
saint Roche et saint Sebastien ; ceux de La Villeneuve, saint Hubert.
Celle de Longnes qui se recommande de saint Sébastien datait de 1559 et ses statuts avaient été modifiés en 1608 ; elle s'étend dans tout le Serve, à Dammartin, Montchauvet, Tilly, Flins, Mondreville, Bréval, Le Tertre-Saint-Denis.
Celle de Rosny, dont un bref du pape Paul V, en 1605, reconnaît l'existence, est également placée sous le patronage de Saint-Sébastien.
Celle de Vétheuil, consacrée
au Saint Sacrement, avait été érigée en 1583
; ses bons offices s'étendaient sur l'Arthies, à Vienne,
Chaudry, Villers, Saint-Cyr, Chérence, Chaussy, Haute-Isle.
Echevin : A l'époque carolingienne,
l'échevin est un spécialiste du droit coutumier, qui assiste
à son tribunal le comte, puis le vicaire ou le vicomte. A partir
du XIIIe siècle, c'est un membre du conseil d'une ville de commune,
généralement coopté dans l'oligarchie dominante. Certaines
constitutions urbaines donnent à de semblables personnages le nom
de jurés, voire de pairs (Rouen). A Paris, quatre échevins
assistent le prévôt des marchands dans le gouvernement de
la Hanse des marchands de l'eau, qui fait à certains égards
figure de municipalité.
Prévôt : Agent d'administration
domaniale. Il y a au Xe siècle des prévôts dans les
domaines des grandes abbayes du Nord. Ils apparaissent au XIe siècle
dans les domaines seigneuriaux et dans le domaine royal. A la fois régisseurs
et intendants, ils exercent de surcroît la juridiction domaniale,
en particulier pour les droits forestiers. Leur rôle de collecteur
des revenus domaniaux conduit très vite au système de la
ferme, le prévôt prenant par adjudication un ensemble de droits
et de redevances, moyennant paiement à terme fixe d'une somme prévue
lors du bail. Dès lors, le prévôt royal apparaît
de plus en plus comme un percepteur, voire un gestionnaire, et de moins
en moins comme un représentant du roi. Le pouvoir royal réagira
en créant, entre la fin du XIIe et le milieu du XIIIe, le réseau
des baillis et des sénéchaux.