[CliorocheIChâteauIVidéoIE.P.JacobsIEn 1947...IAllégorieIVétheuilIMémoireIPhotosILiens]

 
La Roche-Guyon et ses boves mystérieuses

Quand on suit le cours de la Seine, on rencontre, à quelques lieues de Mantes-la-Jolie, un bourg de grand air, dans un site pittoresque, Vétheuil.
Vétheuil est écrit de diverses manières dans de vieux documents, et dans le pouillé du diocèse de Rouen, auquel la paroisse appartenait, on lit : Vtétul, Véteuil, Véteil. En patois local, on disait F'teu.

Rien n'est plus pittoresque que l'étroite vallée qui descend de Vienne en Arthies. De là, deux torrents diluviens ont longtemps arrosé la vallée. Sillons à peine ouverts à Villers et à Saint-Cyr, brusquement leurs lits s'accentuent, se creusent, puis se confondent en un vaste estuaire. On croirait que leurs eaux impuissantes isolément, ont voulu se réunir pour combiner leurs efforts et ouvrir un passage à travers les collines que la Seine vaincue doit contourner avant de reprendre sa marche directe vers la mer. C'est là, sur les bords du fleuve, bien abrité contre les froides bises du nord, que Vétheuil a pris naissance et s'est développé.
Ici, une "cavée", chemin creux bordé de charmilles, d'églantiers, d'aubépines. Là-bas un pâturage bordé de grands bois ; plus loin, le sentier étroit, perdu dans la verdure, longe le ruisseau tortueux qu'il traverse fréquemment sur des ponts rustiques. Le long des cours d'eau descendus du plateau d'Arthies, se sont établis, çà et là, quelques moulins, de modestes usines, où le travail est actif, quand l'hiver immobilise les bras de l'agriculture.

La vie dans les boves
Ce coin ravissant dut de bonne heure séduire l'homme et le fixer. Le bois, l'eau, le silex s'y trouvaient à profusion ; et la craie des collines, taillée presqu'à pic et mise à nu par les eaux diluviennes, permettait à chacun de fouir des loges spacieuses et sures. Quelques-unes des demeures ou boves qu'ils creusèrent existaient encore dans le bourg vers la fin du XVIIe siècle.
Le 13 janvier 1659, Mme la duchesse de la Roche-Guyon autorise Jean Ozanne, de Vétheuil, à creuser "sous une voie, près de Saint-Etienne", de quoi se loger, "pourvu que cela soit à nous", ajoute la duchesse.
une note du 22 février 1666 porte que Monseigneur de la Roche-Guyon "avait fieffé les boves qui étaient derrière la maladrerie (cf. chartrier de la Roche-Guyon)".
Autrefois, les boves formaient des villages entiers avec leurs églises fouillées dans les profondeurs de la roche. De nos jours, si l'on rencontre encore des chambres creusées dans les falaises crayeuses qui bordent la Seine, elles servent de hangars, de magasins, d'écuries.
Nous serions même dans l'impossibilité de décrire les boves s'il n'en existait encore habitée parmi nombre d'autres délabrées et désertes, tout auprès de Vétheuil, dans un village nommé Haute-Isle.
Boileau vint souvent à Haute-Isle chez son neveu Dongois, greffier chef du Parlement.
En arrivant à Haute-Isle, l'attention est appelée par deux grandes roches d'une blancheur éclatante qui se dressent presque au sommet de la colline. On y remarque de nombreuses excavations aux formes bizarres donnant accès à des loges spacieuses et saines dont l'intempérie des saisons a rongé et détruit irrégulièrement la paroi extérieure. On reconnaît de suite qu'il y a là d'antiques habitations dont l'emplacement avait été fort bien choisi. Si le roc "cède et se coupe aisément", il est solide et tenace grâce aux lits de silex régulièrement disposés dans sa masse et qui en forment, pour ainsi dire, l'ossature ; il est imperméable et par suite, les loges qu'on y fouille sont exemptes d'humidité, si on a soin de les aérer suffisamment.
A l'intérieur, la température, à peu près constante, donne l'illusion de la chaleur, l'hiver, et de la fraîcheur, l'été, et des habitants de ces boves assurent que durant l'hiver, certains délaissent volontiers les chambres modernes pour coucher au dortoir de leurs pères (ces détails sont donnés par Ernest Colas, natif de Haute-Isle, industriel à Bonnières).

Une défense plus aisée
L'escarpement des roches facilitait aussi la défense des hommes, à l'époque où chacun devait pourvoir à sa sécurité personnelle. L'assiégé avait à portée de main, provision presque inépuisable de projectiles, dans les cailloux détachés de la montagne.
Aux temps préhistoriques, ces habitations avaient pour entrée des galeries étroites dont l'orifice était soigneusement dissimulé dans les anfractuosités de la roche. L'homme s'y introduisait en rampant et, le soir, il roulait, en guise de porte, une lourde pierre qu'il calait de son mieux. Des haches en silex ont été retrouvées dans la cote, tant à Vétheuil qu'à Haute-Isle.
A mesures que les techniques se perfectionnaient, les boves se modifiaient : on y pratiqua des fenêtres, des portes. L'accès aux boves fut facilité par la construction d'un large sentier ouvert à mi-cote en pratiquant une entaille dans la montagne. Cette entaille donnait, en avant de la roche, un plan horizontal servant de chemin public et, à angle droit sur la roche, un plan vertical, futur façade des maisons souterraines. La voie ainsi ouverte se continuait au pourtour des roches et passait de l'une à l'autre ; c'était la charrière ou grande rue du village, accessible par endroits aux bêtes de somme et de trait ; divers entiers étroits, d'un usage souvent mal aisé, en partaient ou venaient y aboutir. Toutes les portes des boves ouvraient directement sur la charrière, sauf aux endroits, où la pente, moins raide, donnait plus d'espace pour créer une cour devant les habitations.
Toutes les boves sont rectangulaires et orientées parallèlement à la face extérieure du rocher. Leurs plus grandes dimensions varient entre 5 et 12 mètres de longueur, 4 et 6 mètres de largeur, 3 et 4 mètres de hauteur ; leur ciel généralement plat ne se présente que très exceptionnellement en forme de dôme ; il est alors soutenu de piliers en maçonnerie. Chaque demeure comprenait presque toujours plusieurs loges parfois superposées en manière d'étages, ou à des niveaux différents ; elles communiquaient entre elles par des couloirs et des escaliers ménagés dans la craie. Ces loges, pour la plupart obscures, aboutissaient à une pièce plus grande que les autres et située en bordure de la charrière. C'était la maison proprement dite où couchait la famille ; les autres pièces devaient servir de fruitiers, de granges, d'étables, etc.
Outre la porte d'entrée, la pièce principale possédait une fenêtre et, non loin de la porte, un foyer creusé dans le mur en retour. Un four bâti en tuileaux existait au-dessus du foyer, à peu près comme dans les chaumières du moyen âge. La fumée de l'un et de l'autre était appelée dans un conduit, simple trou circulaire traversant le rocher et aboutissant, au sommet, dans une cheminée qui émergeait à la surface du sol.

 

Pourquoi les habitants de Vétheuil quittent les boves ?
Le besoin de confort et de luxe ne sont pas les seules raisons qui ont décidé les habitants de Vétheuil, puis, avec beaucoup plus de lenteur, ceux d'Haute-Isle, à quitter les habitations souterraines de leurs ancêtres.
Les boves peuvent être délicieuses à certaines époques de l'année, mais il était impossible d'y avoir la propreté nécessaire, d'y faire pénétrer suffisamment la lumière et surtout de l'air, indispensable pour les maintenir sèches et saluvres. Des affections spéciales, le goitre, par exemple, trouvant un milieu propice, y sévissaient en permanence.
A Vétheuil, la disparition des boves s'explique en outre par des causes spéciales faciles à concevoir : ce sont, au moyen âge, le besoin d'être placé sous la protection immédiate de l'ancien château -fort ; plus tard, l'aisance grandit grâce à l'activité commerciale du bourg, et enfin la construction de deux belles routes allant de Vétheuil à la Roche-Guyon d'un coté et à Saint-Martin-la-Garenne de l'autre.
Ces deux voies qui se rejoignent au centre du bourg, ont peu à peu suivi, mais à une plus haute altitude, le tracé des anciennes charrières qui passaient devant les habitations souterraines ; elles ont nécessité des déblais et remblais qui ont achevé la démolition des abris ouverts dans la roche et dont quelques-uns étaient encore occupés par d'irréductibles retardataires, peu soucieux des progrès réalisés.
Aussi, quand actuellement des traces d'excavation apparaissent, c'est dans le sol qu'on les rencontre, sous l'apparence de caves abandonnées.


Haute-Isle, "une petite merveille aux portes de Paris"
Les boves autour de l'église souterraine
 

Un ouvrage rarissime aujourd'hui, rend compte d'une conférence faite par la société d'archéologie et d'histoire de Mantes-la-Jolie en 1932. Le thème principal : les grottes et les cavernes du bourg du Vexin. Une aubaine, que ce livret (encore en parfait état) soit tombé dans les mains d'un cliorochien. Nous allons vous donner la lecture de quelques passages.
Le Dr Gaudichard, délégué du "Touring club", membre de la Sauvegarde de l'art français et de la société préhistorique de France en est l'auteur.
L'homme raconte, en 1932, qu'il a découvert les "boves" d'Haute-Isle par hasard, en ouvrant machinalement le grand Larousse illustré : "mes yeux tombèrent sur le mot troglodytes qu'accompagnait un curieux dessin représentant une de ces habitations que je reconnus pour être une demeure des environs de Tours... Poursuivant la lecture de l'article, il y était dit qu'en Touraine, dans le Soissonnais et même dans les environs de Paris, il existait à Haute-Isle, en dehors de telles habitations, une église souterraine..."
Etonné par sa découverte, le Dr Gaudichard se rend sur place, cinq heures plus tard... "Que pouvait-il bien en être d'une église souterraine ???"
"J'aperçus à la suite d'une série de gros rochers crayeux, un minuscule clocher, semblant sortir de terre. Je gravis quelques escaliers et me trouvai en face d'une église taillée dans la craie. Après une visite attentive des lieux, je sortis et remarquai un homme d'une soixantaine d'années, qui greffait un églantier. M'étant approché de lui, je me hasardai à lui demander quelques renseignements que tout touriste eut désiré connaître. Il ne se fit pas prier et offrit ses services pour me promener, et me conduisit dans les hauts des falaises. Ce que je ressentis à ce moment , devant un panorama aussi grandiose, me valut une telle admiration qu'après avoir avoué à mon guide éventuel que si j'étais venu ici en curieux, par contre, j'aimerais bien pouvoir en partir qu'après avoir eu la possibilité de pouvoir acquérir cette montagne et ses précieux restes d'habitations des premiers hommes, pour les sauver de l'oubli, du vandalisme, de la destruction. Il en fut ainsi".
Ainsi dans les années 1930, le Dr Gaudichard devint propriétaire de la terrasse du deuxième étage du Colombier, de la grotte d'Adam, de la salle et de l'observatoire, du refuge, de l'église primitive souterraine. Tous ces lieux furent classés à l'inventaire des sites protégés, sous le toponyme "Les Troglodytes", sur la proposition de la commission départementale des monuments naturels et des sites de Seine-et-Oise, au cours de sa séance du 8 novembre 1933.
 

Une petite merveille aux portes de Paris - Haute-Isle, les grottes et les cavernes du Colombier, conférence faite à l'Hôtel de Ville de Mantes, le 2 avril 1932, à la Société Archéologique, Historique et Scientifique "Les Amis du Mantois".

Haute-Isle, une ballade allégorique
Voir aussi : http://clioroche.blogspot.com 


Vienne-en-Arthies
Vienne-en-Arthies est érigée en commune en 1790, avec Chaudry, Chaudrai et les Millonnets comme dépendances. Le village possède une chapelle dédiée à la Sainte Vierge et à Saint Joseph. Cette chapelle qui avait été aliénée sous la Révolution, a servi de grange pendant de longues années. Restaurée par les soins de l'abbé Amaury curé doyen d'Etampes, elle a été bénie le 28 mai 1865.



L'origine du peuplement d'Haute-Isle

> Une parenté préhistorique

La région Haute-Isloise a été habitée bien avant les temps historiques, grâce à sa situation exceptionnelle.
A ses pieds, la Seine offrait à ses riverains les ressources de son poisson et le sommet des côteaux était courronné de forêts giboyeuses.
Ce n’est qu’à la période moustérienne que l’homme s’est installé sur le haut de la colline (voir un type d'habitat sous roche similaire).
L’outillage moustérien n’est pas rare au sommet du coteau, à la jonction des territoires de Chérence et Haute-Isle. Le faciès campignien s’y rencontre aussi. En revanche, le néolithique a laissé peu de traces.
Les haches polies ne s’y rencontrent qu’à l’état de fragments, mais on y trouve parfois quelques belles pièces taillées pour le polissage et d’assez grande dimension.
Aux confins des territoires de Vétheuil et de Haute-Isle existe à la jonction du versant et du biseau qui se trouve au sommet du coteau une grande pierre plate, plantée verticalement dans le sol. Est-ce un menhir, est-ce simplement un bloc erratique dressé spontanément ?  L’idée d’un bloc mégalithique paraît plus vraisemblable.

Non loin de la pierre plate, – appelée pierre drette - , se trouvent des vestiges de murs en pierres sèches, analogues aux fortifications ligures en Provence.
Une sépulture vraisemblablement préhistorique a été découverte autrefois à Haute-Isle et les restes humains qu’elle contenait ont été étudiés jadis par le Dr Basserre de la Roche-Guyon.
D’autres découvertes ont été faites dans la région, notamment trois sarcophages médiévaux entre les fermes du Chesnay et du Val-Perron.

En ce qui concerne les origines mêmes du village, on est réduit aux hypothèses.
Aidé du pic campignien, plus tard du pic en bois de cerf et sachant que les silex non insolés, c’est à dire sortant de terre, se taillaient très aisément, l’homme primitif a dû creuser très tôt des abris à flanc de coteau, dont l’heureuse orientation (plein sud) le préservait  des grands froids.
Cet homme a pu y trouver double profit : un abri bien sûr et d’excellentes matières premières pour la fabrication de ses armes et de ses outils.
Telle serait en fin de compte, l’origine de ces boves qui servaient à la fois de logement à nos ancêtres, de caves, d’étables et de granges.
A noter : la roche qui domine l’église, creusée de si bizarre façon, a dû être le premier groupement local, et constituer le noyau dur du village troglodytique.
C’était d’ailleurs, avec la roche voisine, le premier affleurement vertical, rocheux, au-dessous de la station précitée et les autres boves du village n’ont dû être creusées qu’au moment de la construction du château.
Ce qui corrobore la déduction que les deux roches des falaises furent le noyau du village, c’est qu’à une dizaine de mètres en contre-bas de l’une d’elles se trouve une bove distincte ayant la disposition intérieure d’une chapelle qui a dû être le premier temple chrétien de la localité.

(Source : Une petite merveille aux portes de Paris – Haute-Isle, Les grottes et les cavernes du Colombier, conférence de la société archéologique, historique et scientifique « Les Amis du Mantois », Gaudichard, 1932)

Pour en savoir plus sur la période du Mousterien :

Mousterien et outils

Mousterien : définition générale

Période paléolithique
 

Clioroche

Ecrivez,
envoyez vos réactions ou  vos documents ...
antoine_fred@yahoo.fr